Comme c’est le cas au Canada, le droit des contrats aux États-Unis est fortement segmenté, en ce qu’il est propre à chaque État, de la même façon que le droit des contrats au Canada relève du cadre législatif de chaque province. En effet, chacun des cinquante États américains, plus le District de Columbia, comme chacune des provinces canadiennes, a son propre corpus législatif applicable aux contrats. Cet article propose une brève étude comparative du droit gouvernant les contrats dans l’État de New York et dans la province canadienne du Québec.
Origine et principe fondamental des contrats
Contrairement au droit québécois, qui est de tradition française civiliste, le droit des contrats de l’État de New York relève de la common law, droit de tradition anglaise. Ainsi, le fondement même du droit des contrats de New York est différent de celui du Québec, puisqu’il repose majoritairement sur les décisions des tribunaux, plutôt que sur des lois codifiées (c.-à-d. des lois qui sont couchées sur papier). Plus précisément, ce sont les décisions de la cour d’appel de New York (New York Court of Appeals), le plus haut tribunal de cet État, qui représentent la source la plus importante du droit des contrats dans l’État de New York.
Néanmoins, il ne faut pas en comprendre que le droit des contrats new-yorkais n’est aucunement codifié. En effet, certaines lois écrites y sont très importantes, tel le Uniform Commercial Code (UCC) fédéral, qui est applicable aux contrats ayant trait à la vente de biens à travers les États-Unis, et qui a été adopté par l’État de New York.
Le droit des contrats de l’État de New York érige la liberté contractuelle (freedom of contract) comme principe fondamental. Cela signifie notamment que les tribunaux vont faire respecter tout accord clair et sans ambiguïté conclu entre les parties, conformément au sens ordinaire accordé aux termes qui figurent dans le contrat. De plus, selon le principe de la liberté contractuelle, le tribunal s’assurera de faire respecter l’intention des parties telle qu’elle était au moment de la formation du contrat, tant et aussi longtemps que cela ne contrevient pas à la loi ou ne choque pas le public (c.-à-d., qui ne va pas à l’encontre des principes moraux de la société dans son ensemble).
Il en découle que l’intention subséquente des parties, particulièrement si les relations entre elles se sont dégradées, ne sera pas prise en compte par les juges. Ainsi, il est primordial d’utiliser un langage clair ne laissant place à aucune ambiguïté lors de la rédaction d’un contrat en droit américain et de s’assurer de couvrir en détail tous les éléments et obligations pouvant découler des clauses du contrat. Néanmoins, les tribunaux américains ont un pouvoir discrétionnaire de s’écarter de ce qui est strictement prévu dans l’accord, dans certaines circonstances. Cela est le cas si, par exemple, le fait de ne pas s’éloigner du texte du contrat accordait un avantage indu à l’une des parties. Conséquemment, la liberté contractuelle peut être par moment tempérée par les juges. Néanmoins, les tribunaux ne pourront pas altérer un contrat qui, aux yeux de l’homme raisonnable (standard du reasonable man), ne peut avoir qu’une seule signification. Cela souligne l’importance de rédiger un contrat clair, non ambigu et respectant le vocabulaire juridique et spécifique au secteur concerné.
Pour en venir au Québec, notons que la volonté des parties y joue également un rôle primordial. En effet, le contrat y est défini comme un accord de volonté 1, et la liberté contractuelle est mise en avant. Par contre, contrairement au droit des aux États Unis, celui du Québec est codifié et a comme source le Code civil du Québec (C.c.Q.). Néanmoins, plusieurs comparaisons peuvent être tirées entre les deux cadres légaux. Par exemple, comme c’est le cas dans l’État de New York, les parties jouissent d’une importante liberté quant au contenu de leur contrat. Elles peuvent même déroger aux dispositions du C.c.Q., à l’exception des dispositions d’ordre public 2 . Puisque le contrat traduit l’expression de la volonté des parties, il a force obligatoire entre elles, et les tribunaux québécois, tels les tribunaux new-yorkais, respecteront ce principe.
Toutefois, il est intéressant de noter que le législateur du Québec a consacré par écrit dans le C.c.Q. les conditions essentielles de formation du contrat, éléments sans lesquels le contrat ne pourra voir le jour : le consentement intègre et libre des parties, la capacité des parties à se lier par ledit contrat, la cause du contrat (c.-à-d. la cause personnelle qui pousse les parties à s’engager 3 ) et, finalement et dans certains cas seulement, les conditions de forme à respecter 4 .
La bonne foi et l’équité
Tout contrat régi par la loi de l’État de New York contient un engagement implicite de bonne foi et d’équité (implied covenant of good faith and fair dealing). Cela permet aux tribunaux de déterminer que les termes d’un contrat ont été enfreints lorsque les agissements d’une partie, bien que non explicitement contraires au contrat, privent l’autre partie des bénéfices devant découler de l’accord et contrevient aux attentes raisonnables que l’autre partie peut avoir quant au contrat. En d’autres termes, les principes de bonne foi et d’équité qui figurent dans la loi new-yorkaise accordent au tribunal le pouvoir de déterminer quelles sont les obligations implicites des parties découlant de la loi ou de la nature du contrat, et de décider que le contrat n’a pas été respecté par la partie ne s’étant pas acquittée d’une desdites obligations implicites, le cas échéant.
De plus, les principes de la bonne foi et de l’équité présupposent que la cour pourra déclarer qu’une partie a engagé sa responsabilité si elle a agi de mauvaise foi. La loi new-yorkaise ne donne pas de définition spécifique de la mauvaise foi, mais les tribunaux semblent s’entendre sur le fait qu’il s’agit d’un comportement ou d’un acte qui compromet le contrat entre les parties ou qui prive l’une des parties d’un avantage auquel elle pouvait raisonnablement s’attendre. Ainsi, des obligations peuvent faire partie du contrat entre deux parties sans nécessairement y être expressément prévues.
Il est également intéressant de noter que la discrétion qu’accorde un contrat à une partie, même s’agissant de l’ « entière discrétion » (sole discretion) accordée à une partie, est tout de même gouvernée par la bonne foi, et la partie concernée ne doit pas agir de manière arbitraire ou irrationnelle. La Cour d’appel de l’État de New York n’a pas donné de définition précise de ce que constituerait un pouvoir discrétionnaire exercé de manière arbitraire ou irrationnelle, mais certains facteurs considérés à cet effet par d’autres tribunaux de l’État incluent notamment (1) si le pouvoir discrétionnaire a été utilisé de manière conforme au but de l’accord et (2) si l’exercice du pouvoir discrétionnaire par la partie contrevient aux attentes raisonnables de l’autre partie.
Plusieurs comparaisons peuvent être dressées avec l’obligation de bonne foi qui gouverne le droit des contrats au Québec. En effet, les parties à tout contrat soumis au droit québécois doivent se comporter de bonne foi tant au moment de la naissance de l’obligation qu’au moment de son exécution ou de son extinction (donc lors de la formation et de l’exécution d’un contrat). La bonne foi est une norme centrale au Québec. Elle gouverne le comportement des parties et est appréciée au cas par cas.
Comme dans l’État de New York, elle tempère l’autonomie contractuelle des parties, car elle confère aux tribunaux le pouvoir d’intervenir et d’imposer aux parties liées par un contrat des obligations fondées sur la notion d’équité contractuelle. La notion québécoise de bonne foi implique que les parties ne doivent pas chercher à se nuire mutuellement et doivent coopérer tout au long de la formation du contrat et de l’exécution des obligations. Cela inclut de répondre aux attentes légitimes de leur(s) cocontractant(s), par exemple, ou d’entamer le processus de négociation du contrat avec l’intention de conclure l’accord proposé et non pour obtenir des informations privilégiées. Si une partie n’agit pas de bonne foi, elle peut être reconnue coupable de fraude. Il peut aussi être considéré que l’autre partie a donné un consentement vicié lors de la conclusion du contrat, et qu’elle n’a donc pas valablement accepté d’être liée par celui-ci. La mauvaise foi peut entre autres engager la responsabilité civile de la partie fautive ou encore donner lieu à l’annulation du contrat ou à la réduction de l’obligation de l’autre partie.
En conclusion, bien que le droit des contrats dans l’État de New York soit, dans une grande mesure, différent de celui du Québec, plusieurs comparaisons intéressantes peuvent être dressées, notamment en ce qui concerne la liberté contractuelle et le principe de bonne foi. Nous ne saurions cela dit insister suffisamment sur l’importance de faire appel à un professionnel bien au courant des normes légales applicables afin qu’il vous assiste dans la rédaction de vos contrats, ainsi que dans les négociations avec les autres parties, le cas échéant.
Cabinet d’avocat pratiquant aussi bien le droit anglophone de la common law en Grande-Bretagne, au Canada et aux États-Unis que le droit civil francophone au Québec et en France, le cabinet S. Grynwajc dispose en outre d’une expertise particulière en droit des affaires et en droit des contrats. En conséquence, n’hésitez pas à nous contacter, nous serons ravis de vous accompagner !
1 Code civil du Québec, art. 1378, ci-après « C.c.Q. ».
2 C.c.Q., art. 9.
3 C.c.Q., art. 1410.
4 C.c.Q., art. 1385