En matière de responsabilité contractuelle, les clauses limitatives de responsabilité sont régulièrement au cœur des négociations lors de la conclusion de contrats, quel que soit le système juridique auquel l’accord est destiné à être soumis. Lors des échanges précontractuels, deux intérêts sont confrontés : celui du client ou consommateur qui recherche une responsabilité illimitée du cocontractant, et celui du vendeur, qui lui tend à limiter au maximum les causes susceptibles d’engager sa responsabilité, et par conséquent de le conduire à verser des dommages et intérêts.
Là où en droit français le recours à de telles clauses est strictement encadré, en droit anglais, les clauses limitatives de responsabilités sont admises dès lors qu’elles présentent un caractère équitable et raisonnable.
Pourtant, dans les pays soumis au régime de la Common Law, les termes negligence et gross negligence, permettent à une partie de contourner une exonération de responsabilité de l’autre partie, voire un plafond d’indemnisation fixé par celle-ci, afin d’obtenir une indemnisation sur la base d’une faute commise par l’autre partie, ou inversement une partie pourra perdre le bénéfice d’une indemnisation en raison de sa conduite et d’une negligence ou gross negligence de sa part.
Pour autant, la notion de gross negligence est un terme confus qui n’est pas clairement défini par le droit des contrats anglais, et qui n’est pas distinct de la negligence simple. Une définition lui est attribuée dans le cadre du délit de négligence qui constitue un défaut d’exercer une compétence et une diligence raisonnable, en violation d’une obligation de diligence non contractuelle.
Une notion précisée par les tribunaux
La jurisprudence anglaise a cependant permis de dégager les principaux traits qui caractérisent la gross negligence, laquelle est déterminée principalement en fonction de la conduite du défendeur, et se réfère à une violation à l’obligation de s’acquitter d’un duty of care, laquelle obligation impose que les cocontractants évitent et empêchent tout comportement ou omission dont ils peuvent prévoir qu’ils causeraient un tort à autrui, en plus de fournir des soins raisonnables dans le cadre de l’exécution du contrat.
Ainsi, la gross negligence peut être retenue notamment s’il est constaté :
- Un comportement inhabituel imprudent ;
- Un manque de compétence raisonnable de soins « a lack of reasonable skill of care », c’est-à-dire lorsque compte tenu de ses connaissances, ses compétences et ses ressources la partie n’a pas agi raisonnablement afin de prévenir le danger ;
- Le fait d’ignorer un risque évident, par mépris ou indifférence face à ce risque.
S’ajoute dans les éléments à prendre en compte pour caractériser la présence d’une gross negligence, la gravité du risque qui en résulte.
Généralement, les contrats qui excluent toute responsabilité prévoient toutefois une exception concernant la commission d’une gross negligence. Reste au juge d’interpréter ce qui relève de la simple negligence ou de la gross negligence, à l’instar de l’affaire Camarata Property vs Credit Suisse Securities en 2011.
Dans cette affaire qui opposait des consommateurs des titres à remboursement automatique de cinq ans (par lesquels il est possible d’investir en fonction de la performance d’un marché, mais où le capital investi est garanti) émis par Lehman Brothers Treasure Co BV, billets qui avaient subi des pertes de valeur importantes du fait de la faillite de Lehman Brothers, les consommateurs faisaient valoir la négligence de la banque concernant les conseils donnés à propos de ces titres, laquelle avait manqué à ses obligations contractuelles. En face, la banque opposait une clause d’exclusion de responsabilité, laquelle excluait toute responsabilité en cas de baisse de la valeur des investissements effectués ou de la solvabilité d’une contrepartie, à moins que « la responsabilité ne découle directement d’une négligence grave (ou, dans le cas de responsabilités découlant de nos services de garde, d’une négligence), d’une fraude ou manquement volontaire de notre part ou de l’un de nos administrateurs, dirigeants ou employés ».
Reconnaissant sa négligence, la banque réfutait pour sa part la thèse d’une négligence grave. Quant au Tribunal plutôt que de rechercher si la négligence grave était un concept familier en droit civil anglais, celui-ci s’était attelé à rechercher ce que ce terme signifiait tel que figurant dans les conditions générales de la banque, et avait pour cela retenu que la banque ne pouvait prédire l’effondrement de Lehman Brothers Treasure Co BV, de sorte qu’elle n’avait commis ni negligence ni gross negligence.
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